Et de deux ! Après l'Aimable Grenot, en 2002, une autre frégate royale a été identifiée dans le chenal de Saint-Malo où elle avait coulé en 1704.Onze ans après qu'un plongeur malouin eut accroché par mégarde son casier à un canon, celui-ci a été remonté hier après midi, ainsi que l'ancre de miséricorde (celle que l'on stockait au pied du grand mât) de La Dauphine, frégate royale armée à la course. Grand moment pour Michel L'Hour, Elisabeth Veyrat, directeur et co-directrice des fouilles. Ainsi que pour les 200 personnes de 15 nationalités différentes qui, chaque été, se succèdent sur le site de la Natière, dans le chenal de Saint-Malo, l'un des plus importants chantiers d'archéologie sous-marine au monde. Grâce à eux, un mystère d'importance vient d'être dissipé.5 000 heures de travail sous la mer, et 40 000 heures à terre, avaient abouti très vite à l'identification d'un premier bateau, l'Aimable Grenot, coulé en mai 1749 alors qu'il partait vers Cadix avec un chargement malouin de toile. Quelque 2 000 objets ont déjà été remontés de son bord. Mais pour la deuxième épave, provisoirement baptisée Natière 1, les archéologues séchaient. Entre 1650 et 1750, une soixantaine de naufrages de navires de 200 à 300 tonneaux avaient été enregistrés dans le secteur, cependant aucun ne coïncidait avec les vestiges retrouvés.Depuis quelques jours, on sait qu'il s'agit de La Dauphine. La clé du mystère a été trouvée aux Archives où, en 2000, un chercheur avait arrêté ses investigations à la page 11 d'un document. Six ans plus tard, ayant repris sa lecture, il a trouvé ce qu'il cherchait à la page 78. Escorté par deux navires malouins, le 11 décembre 1704, La Dauphine ramenait une capture anglaise, Le Dragon. Un brusque changement du vent scella le sort du bateau. Il était commandé par un grand personnage du Havre, Michel Dubocage, lieutenant de frégate à 16 ans, parti de chez lui en 1707 alors que son fils avait 5 mois, et revenu seulement 9 ans plus tard. L'équipage qui convoyait la prise (destinée à être vendue à Saint-Malo) sauva ses 182 marins, plus 22 prisonniers anglais. Trois siècles plus tard, l'histoire corsaire refait surface à Saint-Malo.
(article O.F. du 26 juillet 2006)